Je suis un mélomane comblé
Ma vocation fut la HI-FI, ou plutôt la quête d'une restitution musicale vivante et réaliste. Réussir à faire entrer tous les musiciens dans son salon en ayant l'impression d'en avoir élargit les murs. Et cela en évitant les excès de tout genre pour s'approcher le plus possible de la réalité : jouir en aveugle de la beauté des sons...
Une bonne fée avait du se pencher sur mon berceau, car même les
années et l'énergie que j'ai dépensé un temps dans
la physique-chimie, pour faire plaisir à mon père, se sont avérées
très utile en final pour me permettre une approche différente
de la plupart des autres chercheurs à formation électro-acoustique,
voire électronique pure. Si j'ai été obligé d'apprendre
l'électronique, je n'ai été intéressé que
par ce qui pouvait me servir dans l'amplification basse fréquence pour
m'en servir au profit de ma quête.
J'ai réalisé mon premier ampli hi-fi 10W (push pull EL84) à
l'âge de 16 ans. Je n'y connaissais absolument rien. Mon père avait
accepté de me financer l'achat des composants dans une boutique lyonnaise
(la seule à l'époque) et j'ai suivi le câblage d'un "Loyez"
à la lettre sans savoir vraiment ce que je faisais. J'avais aussi acheté
des haut-parleurs que j'avais monté dans un coffret, sur des plans relevés
dans un bouquin de "G-A Briggs" "Haut-Parleurs" traduit
par Rémy Lafaurie aux Editions Radio (j'ai eu le grand plaisir de côtoyer
Rémy Lafaurie quelques années plus tard). Dès que j'ai
branché ma réalisation, il en est sorti un sifflement assourdissant.
Par incompétence, j'avais branché le secondaire du transformateur
de sortie à l'envers, ce qui transformait la contre-réaction en
accrochage. Au cours des mois qui ont suivi, j'ai expérimenté
tous les types de schémas possibles que ce soit pour le branchement "ultra
linéaire" du transformateur de sortie ou la configuration des déphaseurs,
voire l'utilisation de cascodes en ECC81.
J'eu aussi la chance de faire mon Service Militaire dans les transmissions,
ce qui me permis d'accéder à une formation de 8 mois au Mont Valérien
pour devenir dépanneur militaire 3ème échelon (le plus
haut degré pour un appelé). Je côtoyais alors d'autres appelés,
ingénieurs électroniciens, avec lesquels j'avais de longues discussions
sur la hi-fi naissante. A la fin de cette formation, je fus renvoyé en
Allemagne à la 561 CLMT où on me confia la responsabilité
de l'atelier de réparation des émetteurs-récepteurs "Modulation
d'amplitude". Je travaillais en collaboration avec un civil allemand et
un adjudant. Ce fut une époque pendant laquelle je construisis quelques
amplis à tubes à partir de composants d'amplis-cinéma de
l'armée et je réparais même alors un fabuleux haut-parleur
"Klang-Film à excitation pour notre chambre. Je me rappelle encore
la restitution d'Europe1 de l'époque : Les Animals, Les Copains d'abord,
Toujours un coin qui me rappelle, etc. Ce n'étais que de la mono, mais
quel plaisir.
Tout cela n'était que de l'amusement et à mon retour de l'armée,
je retournais donc chez Rhône-Poulenc faire de la Physique industrielle.
Ma vraie opportunité fut de réussir à convaincre Joseph
LEON, créateur d'Elipson, de me rencontrer. Elipson était alors
pour moi le nec plus ultra de la reproduction sonore dont les démonstrations
par l'ORTF étaient le clou du "Festival International du Son",
grande messe annuelle des amateurs de reproduction sonore. Petit provincial,
je montais donc à Paris pour le rencontrer. Je fus reçu dans une
petite maison en arrière d'immeubles, rue Cortambert dans le 16ème,
siège alors des bureaux d'Elipson. J'étais très impressionné
et ce fut la secrétaire d'alors, Carole Eon, qui me mis à mon
aise. Je repense souvent à cela car j'appris après coup que c'était
elle qui avait insisté pour que je rencontre le "boss" qui,
comme je me reconnaît moi-même aujourd'hui, était très
méfiant pour les projets d'avenir trop ambitieux. Mr Léon me reçu
froidement et m'écouta, non sans interrompre parfois mon enthousiasme.
Il me répondit qu'il n'y avait aucun avenir pour moi chez Elipson et
que je ne pourrais jamais y gagner ma vie. Si vraiment je voulais insister,
il me proposait un fixe ridicule, un forfait de déplacement tout aussi
ridicule, mais un pourcentage sur les ventes que je pourrai favoriser sur la
France. Le projet semblait insensé, mais j'acceptais.
Sans aucune formation si ce n'est mon enthousiasme, je réussis à
convaincre quelques magasins de Lyon de commander quelques BS40, sphère
équipée alors d'un HP Supravox large bande. Devant ces débuts
prometteurs, je fus rappelé à Paris, plus exactement à
l'atelier rue de Choisy à Vitry où je rencontrais Jacques Gauglin,
le collaborateur de Joseph Léon. C'est alors que je passais une petite
semaine à une formation Elipson comprenant les résonateurs et
toutes les explorations techniques très avancées pour l'époque.
Cela en plus de mes propres connaissances et de mes propres expérimentations
sur les amplificateurs et la lecture phonographique, me permit de former des
revendeurs à la hi-fi sur toute la France. Le siège d'Elipson
avait alors été transféré rue de Lisbonne dans des
locaux de la Lyonnaise des Eaux, actionnaire majoritaire.
Ce fut lors du regroupement du siège et de l'atelier 1, rue Froide à
Bagneux, que je rejoignis l'entreprise pour prendre les fonctions de directeur
technico-commercial de l'entreprise. Je m'occupais aussi du syndicat (SIMAVELEC)
et des différents groupes de travail tel celui établissant les
normes françaises haute-fidélité.
Différentes innaugurations de l'incontournable stand Elipson sur lequel j'accueillais successivement le Ministre Duhamel (puis je ne me rappelle plus) et Françoise Giroud.
De mon passage chez Elipson, je retirais une incroyable culture électroacoustique. D'une part, par les merveilleuses rencontres dues à ma position prépondérente et à la situation privilégiée d'Elipson dans la sonorisation professionelle de qualité. Nous travaillions alors beaucoup avec l'ORTF pour l'équipement de studios. J'accompagnais souvent J. Léon, ce qui me permettait de rencontrer de grands professionnels, tel le directeur technique d'alors Jean Chardonnier ou la très grande preneuse de son Madeleine Sola, surnommée "la Diva". Nous avions aussi d'autres marchés tel les patinoires (JO de Grenoble 1968) ou la gare Montparnasse, etc. Je passais aussi beaucoup de temps dans la chambre sourde de Bagneux pour des expérimentations. Bref, que du bonheur pour un passionné de son. C'est aussi à cette époque là que j'ai appris à écouter pour devenir un peu "l'oreille" d'Elipson.
Je quittais Elipson en 1977, quelques années après Joseph Léon,
pour réaliser mes ambitions techniques que l'évolution de l'entreprise,
devenue trop commerciale, ne me permettait plus. Je fondais alors Phonophone,
avec trois modèles d'enceintes G1, G2, et G3, conçues sur mon
balcon avec un matériel de mesure à base d'un micro B&K, d'une
table traçante Hp et d'un appareillage réalisé grâce
à la grande compétence de mon voisin d'alors Gérard Hutzinger,
brillant ingénieur à l'Observatoire de Meudon.
Phonophone fut une belle aventure, pénalisée par un manque de
trésorerie. Elle se termina après de brillantes réalisations
d'avant garde tel les BG ou MP et les amplificateurs dont j'utilise encore aujourd'hui
les "current source" sur ma réalisation à partir de
la base logistique de l'IN100 Atoll. Phonophone fut aussi le premier Français
à proposer un lecteur de CD en 1985. Le premier coup de grâce fut
asséné fin 1983, lors de l'inondation du standard Philippe Auguste,
par la coupure du téléphone pour une durée indéterminée
qui nous faisait disparaître virtuellement de l'extérieur. Le téléphone,
alors, était le seul moyen de communication. Les PTT régnaient
en maître. Malgré que nous ayons été obligés
de "glisser une enveloppe" pour obtenir une ligne téléphonique,
l'interruption de notre ligne n'avais suscité aucune excuse, aucun avertissement,
ni même le moyen de mettre un répondeur pour indiquer le dérangement.
Notre ligne ne répondait simplement pas. Le bruit fut rapidement colporté
que nous avions disparu.
En 1986, j'eu l'opportunité d'être appelé par E. Pastor
et P. Vercher pour animer Son Mag au sein des éditions Fréquences.
Je n'étais pas un littéraire, mais E. Pastor me convainquit que
ce qu'on avait à dire était plus important que la manière
de l'écrire. C'est ainsi que je devins Rédacteur en Chef de Son
Mag.
Ce fut une expérience incomparable. D'abord je côtoyais journellement
de grands journalistes professionnels tels que P. Vercher et J. Hiraga, avec
lesquels j'échangeais régulièrement des idées ou
des appréciations sur les produits que nous avions à l'essai,
et je touchais tous les jours des produits d'exception que je n'aurais jamais
pu avoir entre les mains autrement. C'était la grande époque de
la hi-fi et nous étions régulièrement invités à
des voyages pour visiter des usines réputées. C'est ainsi que
j'ai pu visiter Mac Intosh, Ortofon, Yamaha, Quad, Matsushita, Kenwood, etc...
Ce fut à cette époque que je devins aussi adulte en hi-fi, c'est
à dire que je réussis à relativiser le produit de sa marque.
En effet, suite à de nombreux bouleversements financiers, certaines marques
avaient été rachetées et leurs productions ne possédaient
plus aucune parenté avec les produits ayant créé l'image
de la marque. Souvent même, pour des raisons diverses, tout le staff de
développement d'une marque était parti avec son savoir faire et
parfois les documents. Les nouveaux ingénieurs étaient obligés
de reconstituer le savoir faire sans bien-sur y arriver entièrement.
C'est aussi à cette époque que je pressenti l'évolution
de la hi-fi vers un marché de luxe dans lequel le prix et le design,
ainsi que des arguments pseudo technico-commerciaux allaient devenir prédominants
: taille des transformateurs, gros condensateurs, création de marques
audiophiles de composants (Germaniques ou Nippons), design suggestifs de puissance,
avènements de nouveaux "génie" venus d'ailleurs pour
révolutionner la reproduction musicale, etc.
Après quelques autres expériences que je ne relaterai pas, un
peu désabusé, j'approchais de l'âge de la retraite. Je ne
me voyais pas sans activité et surtout pas sans continuer à côtoyer
ce milieu de la hi-fi dans lequel je pouvais rester un acteur novateur. Il se
trouvait justement, qu'après avoir négligé à tort
le rôle des liaisons entre appareils, je venais justement d'y être
cruellement confronté et par là même amené à
considérer avec effarement le temps et l'énergie que j'avais perdu
par obstination scolaire à refuser de remettre en question l'importance
du câblage. Comme beaucoup de constructeurs d'amplis ou d'enceintes, j'avais
cédé à la facilité d'ignorer, voire refuser, les
complications amenées par ce déstabilisant paramètre supplémentaire
difficilement contrôlable.
1995, j'avais trouvé ma nouvelle voie dans les câbles hi-fi. D'abord
très raisonnable, je m'étais juré de ne plus jamais rien
créer et de me contenter d'offrir le plus grand choix de modèles
de toutes marques en permettant aux clients de choisir chez eux par un système
de prêt. Angélique, je n'avais pas mesuré la nocivité
des acteurs d'un marché en plein développement qui m'empèchaient
de disposer en prêt de leurs onéreux câbles. Le naturel est
donc revenu au galop, j'avais trouvé de quoi mettre ma pugnacité
de chercheur à l'épreuve. J'espérais tant dans les mesures
que je me suis acharné à découvrir de nouvelles expérimentations,
de nouvelles méthodes de mesures : rien. Si, une exception, l'apport
du blindage Mumétal est le seul que l'on puisse observer facilement car
les mesures de capacités effectuées sur le câble ne sont
pas affectées par la présence des mains ou des éléments
perturbateurs à proximité. Excepté cela, il ne reste que
l'oreille pour évaluer les différences.
Mes propres développements étaient réalisés à
titre personnel, sans objectif commercial. J'avais aussi retrouvé mon
cher PTFE (téflon) dont j'avais découvert les propriétés
de stabilité inconditionnelles, lors de mon court passage chez Rhône-Poulenc
à propos de travaux sur le séchage en continu de l'Aspirine (le
PTFE était le seul matériau résistant à cet acide),
et sa capacité exceptionnelle d'être à la fois un isolant
et diffuser les charges électrostatiques. Malgré le coût,
tous mes câbles seraient réalisés en PTFE.
Il m'a fallut ainsi constituer ma culture sur le tas. Les câbles isolés
PTFE ne justifient généralement leur utilisation qu'en milieu
de grande exigence : aviation, militaire, espace et parfois médecine.
Nous avons la chance de posséder en France un des meilleurs câbliers
au monde et surtout un des plus innovant dans le traitement du PTFE, qui est
devenu notre fournisseur. J'ai donc fait ses poubelles. C'est ainsi, en disséquant
chaque câble pour relever sa constitution et en les croisant sur l'écoute
que l'on en obtenait, que j'ai pu reconstituer l'influence de chacun des constituants.
A l'époque j'avais une excellente oreille. Cela me permet encore aujourd'hui,
comme Beethoven composait encore malgré sa surdité, de pouvoir
composer des câbles qui font le bonheur de beaucoup d'audiophiles et qui
conservent d'occasion une valeur que beaucoup de leurs concurrents leur envient.
Il faut aussi reconnaître que j'ai été beaucoup aidé
en cela par la création des JCT Heritage.
J'avais le privilège d'avoir l'estime de Michel Visan, créateur
de DAVIS Acoustics et auparavant directeur technique de SIARE. Celui-ci, au
sein de SIARE, avait longtemps essayé de nous vendre des haut-parleurs
pour Elipson. Cela n'avait pas été couronné d'un franc
succès. J'aurais pu supposer qu'il en résulterait un ressentiment
négatif pour moi-même, bien au contraire, il en était issu
un profond respect mutuel. Régulièrement, Michel passait me voir
rue de la République. Un jour, il me demande "pourquoi tu n'étudies
pas une enceinte" ? "A l'époque tu étais un des créateurs
les plus ... ". Je lui répliquais que la situation avait considérablement
changé. Le marché est saturé par autant de fabricant que
de clients. De plus le prix du composant HP lui-même a beaucoup augmenté
et les fabricants ne sont plus aussi tolérant pour confier des échantillons
constructeurs. Et puis, ajoutai-je, les haut-parleurs actuels ont beaucoup évolué,
et pas toujours dans le bon sens en raison des exigences de puissance et de
dissipation thermique de la bobine. Pourtant, pourquoi pas, ajoutai-je, j'ai
conservé tout le matériel de mesure nécessaire, mais il
faudrait surtout que je trouve "LE" haut-parleur qui me donne envie
de recommencer. La semaine suivante, il me déposait 70 haut-parleurs.
Ainsi débutait une aventure de cinq ans qui aboutit aux Heritage. Depuis,
aussi, Davis utilise nos propres câbles pour ses réalisations les
plus prestigieuses.
L'IN100 by JCT fut une autre histoire. Utilisant les amplifications Atoll pour
mes démonstrations, choix déterminé par le hasard, mais
aussi par la compétence de l'équipe, leur proximité et
surtout leur extrême gentillesse, je me permettais de procéder
à différentes modifications sur les amplis dont je les informais
et dont plusieurs ont été retenues pour leurs propres fabrications.
Nous en sommes arrivés ainsi à une forme de collaboration technique
tacite et amicale.
Les JCT Heritage sont de redoutables transducteurs qui ne laissent rien dans
l'ombre. Grâce à leur pouvoir discriminatoire, j'ai pu mettre au
point un schéma d'amplificateur complètement révolutionnaire
et qui remet en cause les idées établies concernant l'amortissement
des haut-parleurs par une forte contre-réaction.
Il se trouve que la conception des circuits imprimés des Atoll IN100
nous permet d'implanter nos composants sans trop de perçages supplémentaires
de manière à utiliser le même circuit pour un schéma
électronique complètement différent.
Après accord avec Atoll qui nous fournit la structure de base comprenant
coffret, alimentation, commutateurs, potentiomètre et sécurité,
nous implantons notre propre circuit, complètement différent.
Ainsi l'appellation "by JCT" est un peu comme AMG pour Mercedes. Depuis,
aussi, Atoll utilise nos câbles dans ses réalisations.
Après ce long laïus, je voulais vous avouer quels éléments
constituent MA chaîne et arrivent aujourd'hui à me procurer une
immense joie musicale et sur tous les genres. Je suis enfin heureux !
PIONEER PD-50 ; IN100 by JCT ; JCT Heritage A+B ; modulation IHI ; câble
HP SUPER MAXITRANS 2 ; câble secteur POWERTRANS 2 sur PD-50 et POWERTRANS
PLUS sur IN100 by JCT.
Merci encore pour votre intérêt et votre soutient.
Jean-Claude TORNIOR